75ème anniversaire du Cercle des Transports. Propos tenus le 15 octobre 2024
Bonjour à chacune, à chacun.
Traverser trois quarts de siècle, et très exactement toute la deuxième moitié du XXème siècle ainsi que le premier quart du XXIème, n’aura pas été banal dans le domaine des transports !
Et le Cercle des Transports, créé formellement le 25 octobre 1949, au-delà d’avoir été témoin de cette métamorphose, en aura aussi été en partie l’instigateur, ou à tout le moins l’inspirateur éclairé.
Un bref retour en arrière
À la sortie de la guerre, deux acteurs, Roger Guibert, alors Directeur du Service Commercial de la SNCF et DG de la SCETA, avec Jean Richard-Deshais, Directeur de la Société Générale des Transports Départementaux, s’accordent pour considérer qu’il y a fort à faire pour concevoir le système de transport des années à venir. Et ils décident ensemble, en quelques étapes de 1944 à 1949, de créer le Cercle des Transports. Ils en auront été les co-fondateurs. À noter que le vicomte de Rohan, alors président de l’Automobile Club de France, les a parrainés pendant toute cette démarche.
Le tout premier président fut Jean Aubert, IGPC, successivement Président de la Compagnie Nationale du Rhône et Président de la Compagnie Française de Navigation Rhénane, et également professeur à l’École Nationale des Ponts et Chaussées avant de présider Spie-Batignolles.
Un champ immense de possibilités
Imaginez le champ qui s’ouvre devant eux ! Il est objectivement immense.
Les archives nous livrent que le transport de marchandises est la toute première préoccupation du Cercle, dont le trafic est partagé entre le rail et la route, avec des transports maritimes en plein essor et une belle part de marché aux échanges fluviaux.
Dans le même temps, les technologies font éclore l’automobile accessible à tous (la 2CV date de cette période-là, les camions Berliet commencent à sillonner les routes), alors que le transport aérien est aussi en pleine ascension. Quant aux représentants de tous les secteurs, ils sont bel et bien présents dans ce qui sera ensuite le Cercle, et ceci avant même 1949 !
Vu d’aujourd’hui, tant de choses n’existent pas – je devrais dire pas encore – : pas d’autoroutes, pas de périphérique ni de voies sur berges, pas d’aéroport civil à Orly et encore moins à Roissy, aucun RER, Transilien ou TER ni bien sûr de TGV, le port du Havre est à reconstruire, la mise à grand gabarit du Rhône va à peine commencer… et j’en oublie beaucoup !
Les premières années : un cercle d’études
Dès son lancement, le Cercle des Transports est conçu pour s’intéresser à tout cela, et y travaille d’arrache-pied en réunissant les compétences des différentes branches du transport.
En 1944, 17 puis rapidement 44 personnalités se retrouvent pour explorer les recommandations à présenter à l’État sur la définition d’une politique des transports et sur la coordination entre les modes, sujet ancien que nous n’avons assurément pas fini de débattre 80 ans plus tard ! Notre orateur de ce soir, Thierry Guimbaud, Président de l’Autorité de régulation des transports, que je remercie chaleureusement de nous avoir rejoints, nous aidera à y voir plus clair sur ce thème tout à l’heure…
Le Cercle, encore informel, s’élargit à 72 membres en 1947. Il passera à 90 en 1979, avec un maximum de l’ordre de 160 membres en 2010/2015, pour s’établir actuellement entre 120 et 130 membres…
Les commissions de travail
Les premiers temps cités font du Cercle un cercle d’études. Il n’avait même pas d’existence légale lorsque trois commissions sont composées, l’une dite des besoins, une autre de l’Équipement, la troisième de l’Économie des Transports, la plus importante assure Roger Guibert. Elle s’est réunie 22 fois sur un an ! Je n’imaginerais pas de vous infliger une telle cadence aujourd’hui, sur quelque sujet que ce soit…
Au moins six autres commissions seront constituées par la suite pour explorer :
- Les problèmes des investissements consentis par l’État aux entreprises nationalisées
- Le statut des entreprises vis-à-vis des pouvoirs publics
- Les transports aériens par rapport aux autres modes
- La circulation routière et le budget des routes
- La circulation dans Paris
- Le transport des denrées périssables
- La coordination entre le Rail et l’Eau
Studieux, nos anciens : ils méritent notre hommage appuyé !
Réflexions et polémiques
Notons que les réflexions sur la coordination des transports feront appel à plusieurs économistes de renom tels que Maurice Allais ou Alfred Sauvy, ce qui n’empêcha pas de puissantes polémiques entre les membres, culminant par la publication d’un article « Bobards et réalité » dans la revue « La Vie des Transports » créée en 1945, et qui fit grand bruit alors, au moins au sein du Cercle !
Peu de publications s’ensuivirent, quatre exactement. Les brochures publiées seront :
- L’étude des transports terrestres
- Les entreprises de voyageurs
- Le budget des routes
- La circulation dans Paris
Mais les contacts informels avec la Commission des Comptes de Transports de la Nation ou le Conseil Supérieur des Transports auront eu une influence certaine sur des actes règlementaires, tels que les décrets relatifs aux transports routiers de voyageurs.
La transition des années 1950
Tous ces éléments anciens aident à mesurer la transition opérée par le Cercle dans les années 1950, dont Roger Guibert écrivit : « depuis lors (le milieu des années 1950), nous avons vécu avec un régime très différent, plus paresseux sans doute, mais toujours très enrichissant : celui des conférences et des discussions ».
Je pense que nous pouvons toujours nous reconnaître dans cette formule !
Et Roger Guibert souligne la conviction, qu’il affiche depuis 1944, – je le cite – : « l’intérêt d’organiser des discussions d’homme à homme, en dehors de tout mandat, en toute bonne foi, des débats appelés à rester strictement privés, et ne devant pas avoir, sauf décision unanime des Membres, de diffusion à l’extérieur ».
Voilà bien l’esprit même des statuts, déposés en 1949 et restés pratiquement inchangés depuis lors, hormis notre adresse postale remaniée au moins 4 fois…
Le sursaut des années 2010
En matière d’études, il y a eu le sursaut des années 2010, inspiré par plusieurs membres et tout spécialement parmi eux notre collègue Olivier Paul-Dubois-Taine – dont j’ai le grand plaisir de saluer la présence ce soir –, et notre regretté ami Jean-Noël Chapulut. Quatre groupes différents ont tenu à apporter une contribution à de lourds débats sur :
- Transport et dette publique (2012)
- Réorienter les priorités du Grand Paris (2014)
- Moderniser le réseau ferroviaire Francilien (2015)
- Véhicules autonomes, quelle action publique pour quels futurs possibles ?
Des réunions dites de continuité se sont aussi fait jour en 1963, en 1975, et plus récemment, quoique sous un autre vocable, en 2015 et 2024. Il s’est agi, à chaque fois, de discuter dans quelles conditions le Cercle allait continuer, transformer, voire arrêter ses activités ! Je vous renvoie à nos récents débats, du début de cette année, sur ce thème.
Un temps, des conférences qualifiées de pittoresques ont également été remarquées : l’organisation des expéditions de l’Himalaya, une voiture de sport française, ou l’Automobile et la place de la Concorde… Nous devrions peut-être nous laisser aller de temps à autre à quelques digressions similaires pour nous rafraîchir les idées…
Hommage aux Présidents successifs
Je ne peux pas clore cette partie rétrospective sans rendre un hommage particulier aux Présidents successifs du Cercle.
J’ai déjà cité Jean Aubert. J’ajoute Roger Guibert DG de la SNCF et Président de SCETA, président du Cercle jusqu’en 1991, mais dont je n’ai pas retrouvé à quelle date exacte le mandat a débuté.
Il fut suivi par Guy Crescent, Président de Calberson et encore par Yves Dejou, PDG de Danzas France. Objectivement, nos archives, du moins celles faciles d’accès, ne nous ont pas laissé beaucoup d’éléments sur les activités entre 1980 et 2000. Je suis évidemment preneur de toute information que vous détiendriez à ce sujet.
L’ère Jean-Didier Blanchet (2000-2020)
C’est en 2000 que Jean-Didier Blanchet devient Président.
Il ouvre une période de 20 années, plus proche de nous. Et des témoins de cette épopée, ici présents, seraient bien plus habilités que moi pour en parler.
Au plan matériel, il y a eu les années fastes des réunions à l’Automobile Club, Place de la Concorde, puis quelques séances d’exil sur une péniche, une incursion dans les locaux de SETEC au quai de Bercy, avant de retrouver les dorures de l’Automobile Club de France… dont le barème n’était vraiment plus fait pour nous !
Et puis s’est ouverte début 2020 la période de la Maison des Travaux publics, ici, au 3 rue de Berri. Nous ne remercierons jamais assez ceux qui, en fidèles plaideurs pour le Cercle, nous en ont ouvert les portes.
Je suis vraiment attristé que Jean-Didier n’ait pas pu se libérer pour être avec nous ce soir et je tiens à lui adresser un coup de chapeau particulier : les vingt années qu’il a fait traverser au Cercle sont celles de l’ouverture, de la diversification de l’origine des membres, de la qualité des conférenciers, des échanges contradictoires, de l’acceptation des idées non conventionnelles…
Sur le fond il a été l’inlassable défenseur de l’intermodalité. Jean-Didier a promu la liberté de parole, la franchise dans la discussion, une forme d’impertinence positive. Mais tout cela serait incomplet sans citer la bienveillance dans les échanges, qu’il n’a jamais cessé de pratiquer lui-même : en cela, il est un modèle pour nous tous. Pour tout cela, nous lui devons une ovation toute particulière !
Dessiner le futur des transports et de la mobilité
Comment dessiner, à notre tour, le futur des transports et de la mobilité ?
Les thèmes ne font pas défaut, dans l’esprit de ce qui précède.
Bien sûr, le Cercle sera toujours là pour porter les envies de ceux qui voudraient reprendre en groupes le flambeau des études par thèmes. La porte en est ouverte.
Plus modestement, votre Bureau veille à orienter résolument nos conférences et nos échanges vers l’avenir.
Les défis de demain
Nous retrouverons dans les saisons qui viennent tout ce qui agite nos sociétés, en lien avec les activités de transport, de la qualité de service à l’innovation (en particulier par le numérique, l’IA et l’incontournable Cybersécurité), de la préservation de l’environnement ou la décarbonation à la réponse aux changements climatiques, de la place des transports et encore de la mobilité dans la ville et dans les territoires face au bon usage de l’argent public…
Nous ne manquons pas de sujets. Il ne manque pas non plus de talents pour les porter, de promoteurs d’idées nouvelles à challenger, de réussites à célébrer !
Questions ouvertes
Et quelques points restent à creuser sans doute entre nous : voulons-nous créer un prix annuel du livre sur les transports pour nous faire connaître plus largement ? Comment challenger plus simplement des innovations technologiques encore balbutiantes ? Quelle sera la place des hommes et des femmes dans les métiers de nos services… ?
Ouvrons aussi nos réflexions vers l’Europe, vers nos voisins limitrophes, vers plus d’organismes internationaux…
Accueillir de nouveaux membres
Faisons enfin que le Cercle soit un lieu accueillant à de nouveaux membres. À nous, à vous, de donner envie de nous rejoindre, en nous tournant vers des universitaires, des chercheurs, des sociologues ou des historiens, tout comme vers les acteurs des modes maritime, fluvial ou du transport urbain, ceux-ci étant moins représentés que ne pèse leur contribution à l’économie. Les unions professionnelles pourraient nous y aider. Et notre plaquette annuelle, vous le savez, est votre instrument pour cela.
Conclusion
Que notre association, mieux connue, soit vécue comme un lieu de rencontres dynamiques et d’échanges cordiaux, et soit légitime à dessiner le futur des transports et de la mobilité !
Longue vie au Cercle des Transports !
À Paris, le 15 octobre 2024.
Le Président du Cercle des Transports,
Pierre Izard
Actes du colloque du 28 septembre 2022 en hommage à Georges DOBIAS.
Les actes de cette journée ont été archivés grâce au concours du Bureau de la communication de l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (Madame Karine GAL).
Ils reconstituent le déroulement complet de cette manifestation, particulièrement appréciée par les participants dont un certain nombre de membres du Cercle des Transports. Ce document, enrichi par la présentation de Karine GAL et par le film réalisé par VINCI-Autoroutes en 2018 sur la ligne d’autocars rapides de l’Autoroute A10, peut être lu sur le site de l’IGEDD par le lien suivant :
https://www.igedd.developpement-durable.gouv.fr/georges-dobias-un-pionnier-tourne-vers-l-avenir-de-a3630.html
N’hésitez pas à en prendre connaissance ! »